mercredi 3 avril 2013

La Solitudine

Hier soir, Mister Perfect est parti pour réunionner à la Capitale et Maman Griotte est donc restée seule à la maison. Rien de bien méchant en apparence pour Griotte qui a passé une dizaine d'années en célibataire, recluse chaque soir dans son petit appartement provincial, en rêvant du Prince charmant sur son canapé, en se réconfortant à grands renforts de frites du Quick (oui, c'était l'époque où je conduisais ma propre petite citadine, à toit en toile décapotable s'il vous plait et où je pouvais me rendre dans un fast food n'importe quand n'importe comment sans voir 3 paires d'yeux m'observer d'un air interrogatif...) et en pleurnichant devant la première comédie sentimentale venue...
Une soirée de solitude, ce n'est franchement pas grand'chose, et pourtant!!! Il se trouve que je me prépare à cette épreuve depuis des semaines. Émotion intense, mains moites, cœur serré et larmes au bord des yeux au moment où Mister Perfect franchit la porte à l'aube : des images de tragédie se succèdent dans ma tête et font exploser mon pragmatisme et ma raison.... Il faut si peu de chose pour que le Bonheur bascule dans l'absence funeste, dans la terreur du malheur...
Peut-être est-ce la résurgence d'une douleur qui m'a longtemps habitée : à l'époque où Mister Perfect était un peu là et souvent ailleurs... Je ne dis pas que Mister Perfect allait papillonner alors qu'il me connaissait déjà ; bien sûr que non. Il sentait juste l'étreinte de mes envies - de mariage, de maison, d'enfants (peut-être de cochons d'Inde aussi?) - étrangler un peu trop son aspiration à être libre. Il a fallu attendre que je parle moi aussi de ma précieuse liberté pour qu'il songe enfin à m'accorder quelques bribes de son grand air et qu'il envisage quelques projets à long terme... 
A moins que cette peur tienne simplement aux soubresauts multiples qui ont chahuté notre histoire en lui imposant un cheminement chaotique et semé d'instants pénibles et bouleversants?
Toujours est-il que ces soirs là sont des défis à mon émotivité, à ma sensibilité, à ma fragilité.
Hier soir, donc, j'ai regardé le programme TV bien à l'avance, histoire de ne pas avoir un moment à moi pour me rendre compte que j'étais seule à la maison. Mais pas de chance, il n'y avait pas grand'chose qui puisse combler ma solitude. 
Après avoir fermé tous les volets et la porte à double tour, j'ai couché les deux garçons sans rien montrer de mes angoisses, comme d'habitude, en respectant scrupuleusement le rythme quotidien et les horaires classiques mais allez savoir pourquoi Croquembouille - qu'il me faut depuis des mois réveiller pour les tétées - s'est mis en tête de pleurer, juste au moment où Brin d'Osier s’apprêtait à s'endormir. J'ai donc accorder deux tétées supplémentaires à Croquembouille pour satisfaire son appétit démesuré puis je suis retournée dans la chambre de Brin d'Osier pour refaire des câlins et des caresses, ensuite de quoi je suis retournée dans la chambre de Croquembouille pour tirer sur la queue de Panpan le lapin musical, ensuite de quoi je suis retournée dans la chambre de Brin d'Osier pour chanter une chanson - " non mais Mamounette, une toute petite petite comme ça", ensuite de quoi je suis descendue sur la pointe des pieds pour ne pas faire de bruit et là, le portable s'est mis à vibrer en se déplaçant comme un crabe sur la table du salon, ce qui a eu pour effet de réveiller le chagrin de Croquembouille et de susciter les commentaires de Brin d'Osier du genre " et maman, c'est quoi ce bruit, c'est pas le portable?"
Il s'est avéré que Mister Perfect avait appelé parce qu'il était arrivé à Paris, mais quand je suis arrivée pour attraper le téléphone, il a cessé de vibrer, bien sûr, comme pour me punir encore plus de ma solitude et de faire de cette soirée un vrai fiasco.
A ce moment là, il était 21 heures, alors que je me disais que pour une fois, comme Mister Perfect ne rentrait pas, j'allais avoir ma soirée toute à moi mais non, bien sûr. La séance de Spa prévue, qui était sensée faire suite à deux heures d'exercice physique sur le fameux vélo elliptique serait donc remise à plus tard. Pas le temps non plus de se prélasser devant Plus Belle La Vie pour une fois que je pouvais le regarder et échapper aux réflexions désobligeantes...
J'ai donc sombré dans le plus facile des vices, terrassée par ma journée et par l'appréhension de la nuit en solitaire à venir : le bol rempli d’œufs en chocolat  et de friture pralinée au bout duquel je suis arrivée sans fierté mais avec la conviction que l'excès de sucre guérirait ma fébrilité...
Je me suis endormie très tard, au terme d'une soirée de girouette errante qui zappe pour oublier qu'elle est seule...
Les pieds gelés, le dos fourbu, les mains serrées sur l'oreiller qui sentait bon le parfum que Mister Perfect glisse chaque matin derrière son oreille, j'ai mal dormi...
Et puis la lumière du matin a dessiné le contour des volets de la chambre. J'ai respiré bien fort et mon cœur s'est ouvert comme une fleur. Une nouvelle journée commençait et ce soir, Mister Perfect serait là...

2 commentaires:

  1. Tu décris si bien les sentiments... ici, ma dernière soirée en solitaire s'annonçait avec le même genre d'angoisse mais le loulou a vomi toute l'après-midi et appelé toutes les 20 minutes toute la nuit, idéal pour chasser le spleen et penser à autre chose, tu imagines. :/
    Franchement, le prochain qui me parle de profiter de sa soirée toute seule... :P

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  2. Voilà un bel article, écrit avec toujours beaucoup d'humour et de lucidité, même pour parler des émotions intimes. J'imagine que des sentiments passés refaisaient un peu surface, au cours de cette soirée de "solitude", et tes petits bouts l'ont peut-être perçu ? Tu es encore une jeune maman par rapport aux 10 années de célibat dont tu parles et c'est comme si tes différentes "vies" se mêlaient un peu ce soir là. C'est normal. Quant aux chocolats qui ont été tous mangés au cours de la soirée, ne t'inquiète pas, ça arrive aussi ici. Quand la fatigue est trop forte, que l'on a envie de passer et de penser un peu à autre chose, on grignotte, on grignotte... Peut-être que si Mister Perfect repart un ou deux jours, la soirée se passera autrement. C'est peut-être aussi une question d'habitude ? Mais au moins, tu as savouré encore plus le bonheur de revoir Mister Perfect après cette nuit cauchemardesque !! Peut-être te rassure-t-il beaucoup ? Enfin, c'est normal, dans un couple !
    Estelle

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