mardi 19 mars 2013

De l'amitié...



Souvent on ne sait pas vraiment ni où ni quand elle naît.  Mais elle donne de l'élan à une journée maussade ; elle donne un air de printemps à un ciel d'hiver ; elle chante dans la branche et fait sourire aux anges ; elle enchante, encourage, fait chanter à tue-tête, bouleverse un peu, mouille les yeux, rapproche les âges et construit des ponts au-dessus des rivières.
On est ami ou on le devient pour mille raisons différentes mais ce sont toujours de bonnes raisons : on partage des opinions communes et on échange pendant de longues heures sur nos idéaux, nos révoltes et nos engagements ; on vit les mêmes défis professionnels et on se bat ensemble pour une cause, l'esprit volontaire et le cœur plein d'ardeur ; on admire et on prend modèle sur son aîné dont on envie secrètement l'aura et l'expérience ; on suit un parcours familial semblable et tantôt on se réconforte dans les chagrins tantôt on s'enthousiasme des bonnes nouvelles ; on rit pour un rien, on ose dire ce qu'on pense tout bas, on transgresse ensemble les interdits, on redevient gamines au fond de la classe, on s'admire et on veut se ressembler et on pique des fards de bonheur de pouvoir partager tout ça... 
On a toutes sortes d'amis : des jeunes et des moins jeunes, des qu'on voit plus souvent et des dont on sait qu'ils sont là même quand on ne les voit pas, des bavards en secrets et des secrets qui écoutent, des qui rassurent et des qui s'épanchent, des grognons et des heureux, des familiers et des qu'on met longtemps à apprivoiser, des qu'on découvre et des qu'on avait oubliés, des coquettes et des gourmandes, des villes et des champs, des qui nous ressemblent et des très différents, des avec qui on se chipote pour avoir le plaisir de se rabibocher et des avec qui l'entente est parfaite parce qu'on s'aime trop pour se chipoter...
On se dit que ça durera toujours parce que maintenant on est grandes et qu'on a passé l'âge des amitiés girouettes et des affinités infidèles. 
On se le promet parfois même avec émotion et ferveur, devant un café ou à l'occasion d'une confidence et toute cette générosité rare et exclusive vient vous gonfler le cœur de tendresse et de douceur. 
Parfois l'amitié se transforme en affection et un degré de plus est franchi dans le sentiment  qu'on éprouve. Il existe tellement de manière de se dire qu'on est ami, de le sentir, et de s'en exalter!
 L'amitié, c'est ambitieux et inébranlable. Ça ne tolère ni la mesquinerie, ni la jalousie, ni l'indifférence et encore moins l'intolérance. On est ami parce qu'on aime l'autre tel qu'il est et qu'on ne veut pas le changer. S'il est différent? Tant mieux, il viendra combler de sa fantaisie ce qui me manque. S'il me ressemble? Encore tant mieux puisque nous vibrerons ensemble d'une seule et même voix.
Griotte a rencontré beaucoup de ses amis et amies sur son lieu de travail. Elle jouissait pour ainsi dire d'une certaine et réelle popularité chez les uns et les autres à force de distribuer une petite touche d'humour par ici, un grand sourire par là et surtout grâce à son penchant pour l'Autre quel qu'il soit avec la conviction toute simple qu'il est toujours bon de distribuer de l'attention et du bonheur ici ou là.
Et puis Griotte est devenu épouse puis maman ; enfin en fait maman avant d'être épouse mais l'ordre n'a pas vraiment d'importance. 
Et là, tout a changé. Parce que toutes ces belles amitiés se sont effritées comme un château d’argile que la mer vient lécher et fait peu à peu disparaître. Un phénomène d'érosion en quelque sorte. Peut-être parce que maman Griotte avait tout simplement disparu du paysage ; alors on l'avait oubliée. Comme si il avait fallu être physiquement présente pour que les autres pensent à vous et ne vous relèguent pas au rang de fantôme. Comme si un petit signe de temps en temps coûtait plus finalement que l'oubli, radical, mortifère et lourd de chagrin.
Faut-il croire que ces amitiés n'en étaient pas? Qu'elles étaient faites de ce tissu de faux semblants et de simulacres qui nourrissent les relations sociales et leur ôtent toute vérité et toute chaleur?
Je ne me résigne pas à le croire et j'attends que la vie bousculée qui nous oppresse tous et nous empêche de voir nos amis et de leur parler me donne raison. 
Car tous autant que vous êtes ou que vous étiez, comme vous me manquez!

10 commentaires:

  1. J'ai souvent considéré mes amitiés comme à la vie à la mort, inconditionnelles. Mais il m'a été obligé de constater que la réciproque est rare (inexistante ?). Je connais des gens depuis bientôt 30 ans (et je suis trentenaire) et je les avais considéré comme étant de ma famille. Je me suis trompée. Seule ma moitié et mes enfants remplissent aujourd'hui ce rôle... C'est la vie ! ;)

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    1. Oui, il est vrai qu'une famille à la maison me comble déjà!!! Alors faut-il chercher auprès d'étrangers tout ce qu'on a tout près de soi avec ses enfants et son mari? Je pense que ces amis dont je parle font partie d'une autre période de ma vie et peut-être que je les considère comme le trait d'union entre le passé et maintenant... Peut-être aussi que je suis un peu idéaliste et que j'ai du mal à tourner des pages!!!
      Toujours est-il que je vais envoyer un petit signe aux uns et aux autres ; un premier pas ne coûte rien et peut s'avérer bien réconfortant!
      Merci en tout cas de me lire !

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  2. L'amitié, c'est comme l'amour...une alchimie subtile. Les amitiés de travail, quel qu'il soit, sont souvent simples amitiés de circonstances. Mais pas obligatoirement. Cher et tendre a un ami de 30 ans qui était un collègue. Après 30 ans, je pense qu'on peut parler d'une relation suivie ? Il fait partie de la famille élargie, tout comme son épouse et leur enfant. Lui et moi sommes assez solitaires. Enfant unique, je ne ressentais pas pourtant le besoin d'avoir beaucoup d'ami(e)s. J'ai encore peu d'ami(e)s. Très peu. Mais je les aime. Fort. Amitiés nées d'une communauté de goûts, qui a évolué vers une amitié pour le plaisir d'être avec la personne, une affection, comme vous la nommez. Réelle et sincère. J'ai également rencontré des gens sur la blogo avec qui les prémices d'une amitié voient le jour. Et c'est bien. Vous etes triste de ne pas avoir de nouvelles de vos "amis d'avant", Maman Griotte, de ne pas recevoir de leurs nouvelles... Allez-y, faites les premiers pas (mais peut être l'avez vous fait vous sans recevoir de réponse, d'où la tristesse et la déception qui pointent dans votre message). Si ça se trouve, ces gens n'attendent qu'un signe de vous. Ou pas, c'est vrai. Mais dans ce cas, ce n'était pas de l'amitié, non ? Juste des relations, et alors, il n'y a pas de regrets à avoir. De nouvelles amitiés verront le jour, plus solides...J'ai attendu d'avoir 50 ans pour avoir 2 vraies amies....Alors, l'avenir vous appartient !

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    1. Comme je le dis plus haut, je vais effectivement adresser de petits signes aux uns et aux autres et je verrai bien... Par ailleurs, il naît d'autres amitiés, ailleurs, en d'autres circonstances, toute neuves, toute fraîches et toute joyeuses et elles sont aussi chaleureuses et bienvenues qu'inattendues! Ce sont les belles surprises de la vie et j'espère que celle-ci m'en réserve encore beaucoup d'autres! Et puis il faut aussi reconnaître que nombre de familles sont submergées par le rythme haletant que leur impose un quotidien oppressant et qu'il reste donc peu de temps à chacun pour penser à entretenir l'amitié même quand la bonne volonté est là!

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  3. De mon côté, je sais que je suis une "mauvaise amie" parfois, dans le sens où j'ai du mal à donner régulièrement des nouvelles à des gens que pourtant j'aime énormément et à qui je pense souvent... manque de temps, tendance à me replier sur moi quand ça va pas, timidité (même vis à vis de mes amis, ça m'arrive). Pourtant, je n'oublie jamais un ami, je les porte vraiment dans mon coeur... et je suis toujours heureuse de les voir/revoir. J'aimerais mieux savoir en prendre soin...
    Alors, c'est peut-être aussi le cas de tes amis à toi ? N'hésite pas à leur faire un signe, tous ne t'ont sans doute pas oubliée. Et puis, le temps passe tellement différemment quand on est à la maison et qu'on guette un mail ou un appel, par rapport à quand on est au travail et qu'on doit "dépiler" 50 mails par jour (!).
    Courage, et puis, la vie réserve souvent de belles surprises, peut-être une nouvelle amitié qui va naître là où tu ne l'attends pas ?

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    1. Oui, oui mille fois oui! On est parfois un peu fautif aussi! D'ailleurs souvent quand j'envoie un mail, j'attends une réponse dans la journée et quand elle n'arrive pas je peste contre l'indifférence des gens! Mais moi, quand je reçois un mail qui me fait super plaisir, je mets souvent trois jours avant de répondre et ce n'est pas pour autant que j'oublie les gens!!! C'est tout simplement le manque de temps qui est en cause et il est effectivement bon d'en être bien conscient ; sinon on devient capricieuse comme maman Griotte ;)

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  4. Ma chère Griotte

    Encore une fois quel beau message ! Sache que tu peux compter sur mon amitié et que pour ma part, j'apprécie toujours autant ton amitié ! Même si je ne suis sans doute pas l'amie dont tu rêves ! Mais j'espère que nous continuerons encore très longtemps notre relation. Quant à tes autres amies, fais le premier pas et rappelle les. Peut être auras tu de bonnes surprises !

    Ta fidèle amie Blabla

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    1. Il n'y a pas, chère Blabla, d'amie dont je pourrais rêver!!! Tout ce qui compte, c'est l'authenticité et la constance de ton amitié pour nous tous et réciproquement! Si j'avais une "amie de rêve", celle-ci manquerait sûrement d'authenticité et de vérité! Moi j'aime bien mon amie Blabla pour ce qu'elle est, pour toute la tendresse qu'elle manifeste à mes petits et pour sa façon à elle de me dire qu'elle est mon amie et cela me fait toujours bien chaud au cœur de la savoir tout près!

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  5. Bonsoir !
    Voilà un article qui ne laisse pas indifférent... Mais par où commencer ? Je crois que tu es très exigente (mais ce n'est pas du tout une critique !), avec les autres mais aussi avec toi-même. En lisant tout ce que tu écris de l'amitié, je me dis que finalement, cela ressemble beaucoup à l'amour. Et sans doute qu'une grande et vraie amitié, c'est peut-être aussi rare, magique et fragile qu'un grand et vrai amour. Les histoires d'amour sont rarement simples et évidentes ; les vies de couple équilibrées nécessitent investissement, engagement, don de soi, de son temps, ... Pourquoi en serait-il autrement de l'amitié ?
    Je fais partie de ces personnes qui ont peu d'amis. Ce n'est pas que je ne veux pas en avoir beaucoup, mais c'est que je trouve difficile de créer de réelles amitiés, fondées sur des affinités sincères, difficile de me sentir vraiment bien, vraiment moi-même avec d'autres. En tant que profs, nous avons aussi pas mal vagabondé avant de nous installer dans un petit coin de France, ce qui fait que nous avons beaucoup rencontré, beaucoup quitté aussi. Et la plupart de nos (peu nombreux) amis habitent loin de chez nous. Alors nos relations sont sans doute très différentes de celles que tu as pu avoir avec tes anciens collègues.
    J'imagine en tout cas ton incompréhension devant ces amitiés qui se font soudain silencieuses... Votre situation désormais différente (maintenant que tu es à la maison) fait que votre relation doit s'adapter. A toi de voir quelles nouvelles formes d'échanges tu souhaites (le téléphone ? des mails ? des rencontres ?) et peut-être de faire un pas de plus ? Tu es aussi à une période de la vie où beaucoup de choses changent, comme peut-être pour tes collègues-amis. On se met en couple, on a des enfants, les priorités changent. Certains, en devenant parents, se recentrent sur eux-mêmes, sur leur famille, parfois de façon exclusive. D'autres, entre le travail et la famille, sont bien, bien occupés et ont moins de disponibilité pour les amis. Peut-être que cela joue aussi... A toi de voir si toutes ces relations, toutes ces amitiés ont la même valeur. Nous, c'est vrai que l'on distingue les simples "relations" des vrais amis. Peut-être que les amitiés qui survivront à cet éloignement seront les plus fortes ? Et puis, tu peux aussi voir naître d'autres amitiés, extra-professionnelles. Bref, sois confiante, même si ta déception est bien compréhensible. Je crois que tu restes encore très entourée et très appréciée !!
    Estelle

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    1. Merci pour ce long message que tu prends la peine d'écrire, Estelle, et qui est plein de justesse! C'est tout à fait vrai que la construction d'une famille marque une étape dans la vie de chacun et on sent bien qu'il est difficile d'abonder à tout : les choix éducatifs des enfants, parfois la mise en place de la famille dans de nouveaux lieux de vie, les vacances à organiser, bref autant de préoccupations qui prennent du temps à celui qu'on pourrait consacrer à des amis et c'est bien compréhensibles! Ce que je regrette sans doute plus, ce sont les amitiés qui s'éloignent en raison des choix de vie qu'on fait : nos différences pourraient être sources d'enrichissement et de partage et j'ai parfois l'impression qu'elles nuisent finalement à la poursuite des échanges ; c'est dommage, non?

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