jeudi 14 mars 2013

L'école à la maison

Il y a quelques semaines, Brin d'Osier a fêté ses trois ans.
Et depuis quelques semaines, on me répète les mêmes propos chaque fois que je dis son âge : "Alors? L'école? C'est pour septembre?"
Au début, quand on m'a dit ça, je me suis fait un devoir de répondre par un développement argumenté, organisé et bétonné, en 3 points s'il vous plait, résurgences de mes années d'études littéraires en Khâgnes...
1) Ce qu'en pense la doxa, c'est-à-dire l'ensemble des préjugés, présuppositions et opinions partagés par tous ;
2) en quoi consiste ma position par rapport à la doxa ;
3) une des réponses possibles au problème résiderait dans le fait de se poser autrement la question.


Ce qui donnerait, de vive voix, dans la rue à une copine, dans une boutique à un commerçant ou à une cousine au téléphone (oui, parce que tout le monde n'a que ça à la bouche...) :
1) on doit mettre ses enfants à l'école dès le plus jeune âge!
2) je ne suis pas favorable à cette scolarisation forcée ; le plus tard sera le mieux!
3) en d'autres termes : avant d'être un élève, mon fils est un enfant et je suis la personne toute indiquée pour assurer et son éducation, et son instruction.

A la fin de ma démonstration, le visage de mon interlocuteur ou -trice est souvent traversé par une ombre de perplexité, d'incompréhension et de scepticisme. Ce qui a le don, bien entendu, de me contrarier, surtout quand on a le malheur d'ajouter en guise de conclusion : " de toute façon, tu verras ; pour le moment, Croquembouille est encore petit, mais quand tu en auras deux à supporter toute la journée, tu seras bien contente d'en mettre un à l'école pour être tranquille!"
Messieurs, mesdames, applaudissez! Il n'en fallait pas plus pour me convaincre! Autrement dit :
- je serais donc restée à la maison tous ces longs mois et aurais renoncé à ma profession pour voir mon enfant de trois ans partir chaque matin à l'école, libérant ainsi du temps à sa mère pour qu'elle s'épanouisse d'âme et de corps ;
- j'aurais donc attendu un deuxième enfant et fait cadeau d'un petit-frère à Brin d'Osier pour les séparer au bout de 36 mois pour convenance personnelle ;
- je serais donc inapte, en tant que mère de mes enfants, à leur apporter ce dont ils ont besoin pour grandir et devenir des êtres humains heureux doués de bon sens, d'objectivité, d'empathie et d'autonomie ;
- enfin, face aux difficultés inhérentes à tout projet éducatif (donner un cadre, enseigner une discipline et des règles, etc...), j'aurais recours à une institution extérieure puisque ces tâches reviendraient, semble-t-il, non pas à la maman que je suis et dont c'est le métier d’apprendre les bases de la vie mais à des personnes spécialisées qui ont fait des études pour cela.
 
Attention, n'allez pas vous méprendre, vous qui me lisez ; je ne suis pas en train de condamner les mamans qui ont fait d'autres choix que le mien et qui assument avec courage, persévérance et amour toutes les diverses fonctions qu'elles savent occuper! 

Mais qu'on nous laisse juste, nous autres qui croyons dans ce que nous faisons et qui le faisons avec sérieux, science et réflexion, mener notre projet en nous épargnant préjugés stériles, réflexions maladroites ou préceptes péremptoires. Qu'on nous laisse aussi répondre à ces mensonges qu'on nous jette au visage comme une poignée de lieux communs qu'on ne saurait réfuter :
  • Mensonge n°1 : L'école est obligatoire
  • Mensonge n°2 : Sans école, l'enfant n'est pas "socialisé" ou "sociabilisé"
  • Mensonge n°3 : L'instruction en famille empêche l'autonomie de l'enfant
  • Mensonge n°4 : Les enfants qui ne vont pas à l'école ne peuvent pas apprendre
  • Mensonge n°5 : Enfant non scolarisé = Enfant libre = Enfant tyran
  • Mensonge n°6 : Les enfants aiment l'école
  • Mensonge n°7 : Les enfants non scolarisés sont exclus de l'idéal : "L'école une chance pour tous".
  • Mensonge n°8 : Sans école, sans diplôme, point de salut
  • Mensonge n°9 : Tout le monde ne peut pas le faire
  • Mensonge n°10 : Familles non scolarisées = sectes
  •  
    Ça y est ; ça va mieux, Maman Griotte a dit ce qu'elle avait sur le cœur depuis longtemps ! Alors ne me demandez plus si Brin d'Osier va aller à l'école : non, il n'ira pas pour le moment et non, ce n'est pas pour ça que mon petit garçon sera un enfant sauvage inculte et peureux, fermé et dépendant!
     
    Allez, en attendant d'autres posts où nous vous raconterons comment nous nous y prenons pour faire l'école à la maison, je vous laisse méditer sur cette jolie phrase de Rue Kream, en évoquant les oiseaux enfermés dans une cage posée à l’extérieur de la maison : "Aucun oiseau libre n’a essayé d’entrer dans la cage avec eux."
     
     

    6 commentaires:

    1. Coucou !
      Cela fait quelques temps que je te lis. Je n'avais pas encore laissé de commentaires étant plus une "liseuse" timide qu'une "laisseuse de comm". Cependant, je suis spécialement interperelée par ton message car mon mari et moi envisageons de faire l'école à la maison à notre aîné pour ses années collège. J'espère que tu feras beaucoup de postes sur cette expérience. Et j'ajouterais à tout ce que tu as écrit qu'il m'est de plus en plus difficile d'entendre que les enfants sont des fardeaux et qu'on a besoin d'être tranquilles sans eux dans les pattes !
      Et puis, pour conclure, parce que je ne posterai pas toutes les 2 sec :), ton blog est très sympa ! C'est très agréable de lire des postes bien écrits. Bravo et à bientôt quand même :) !

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    2. Bonjour,
      Je venais te laisser un petit commentaire pour te féliciter pour tes belles cousettes lorsque je rencontre ton nouvel article. Pour en revenir à la couture, bravo ! Ce sont deux beaux ensembles que tu as fait là, avec deux ambiances vraiment différente. L'un, aux couleurs presque automnales, pour les grands froids encore actuels, avec de jolis tissus. L'autre qui évoque la mer, les vastes ciels bleus, l'été, quoi !! Ne couds-tu que le soir, ou bien trouves-tu un peu de temps en journée ?
      Quant à ton nouvel article, il est passionnant, excellemment argumenté. Franchement, tu ne dois pas culpabiliser devant tes choix. Ce serait le monde à l'envers. Argumenter, expliquer, peut-être. Il me semble qu'en matière d'éducation, notre système en vient de plus en plus à justifier des faits par de faux arguments, en mettant en avant l'intérêt des élèves. Ne t'en préoccupe pas et garde ta liberté de pensée. A trois ans, on est encore bien petit, et ton fiston aura bien le temps de rentrer dans des cadres / cages. Bonne continuation, et n'hésite pas à nous raconter ton expérience.
      Estelle

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    3. Bel article bien argumenté (et je me mets à ta place, je comprends que ça fait du bien de sortir tout ça). J'ai bien envie d'apporter mon témoignage dans un autre sens, si ça te t'embête pas. ;) De mon côté, je suis plutôt ce qu'on pourrait qualifier "pro-école" (même si ça n'existe pas), ce qui est assez rare dans le monde du maternage, j'ai l'impression...
      Mes deux grandes miss vont à l'école et s'y épanouissent incroyablement. En vacances, elles sont même capables de m'expliquer avec beaucoup de sérieux qu'elles préfèrent l'école (!) - pas tous les jours, heureusement. Pas de mystère : elles ont des institutrices formidables qui savent leur proposer des activités adaptées tout en étant à leur écoute (je sais, elles ont de la chance). De mon côté, l'école a aussi été très importante dans mon développement (pour des raisons que je préfère ne pas aborder ici, c'est un peu trop personnel). Je trouve que l'école a parfois une image qu'elle ne mérite pas... c'est dommage.
      Pour autant, je respecte tout à fait ton choix comme un vrai choix engagé, au profit de tes enfants (et moi non plus, je ne les mets pas à l'école pour m'en débarrasser, c'est quoi ces arguments ????), d'autant plus que tu as visiblement des compétences de pédagogue que je n'ai pas.
      Je crois qu'on touche à quelque chose qui va bien au delà de l'école, finalement : faut-il vivre dans la société, à l'écart, avec toutes les gradations entre les deux, et à partir de quel âge ? Les réponses à ces questions sont très personnelles et je crois que faire le choix qui y répond (école, école à la maison, etc) est un geste fort d'éducation qui n'appartient qu'aux parents.
      Enfin, je crois que je pourrais en parler des heures, je suis passionnée par ces sujets-là (bizarre que je ne sois pas prof en fait :P ).

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    4. Je serai très curieuse de suivre ton expérience de l'école à la maison. Il y a beaucoup de choses vraies dans ce que tu écris. Cependant le seul point où je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi, c'est sur le fait que tout le monde peut le faire (mensonge n°9). Je pense que faire l'école à ses enfants à la maison n'est pas à la portée de tout le monde: parfois pour des raisons finançières -besoin de deux salaires donc pas de disponibilité des parents- et parfois un manque de compétences pédagogiques ou de connaissances...En tous les cas quand on réuni les critères pour, c'est courageux de se lancer! Alors bon courage et fais nous partager cette expérience!

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    5. Merci à vous toutes d'avoir réagi à ce post! Réagir d'une manière ou d'une autre est le signe que l'éducation des enfants et une préoccupation qui nous touche de près et que, quels que soient les choix de chacune, nous cherchons le meilleur pour faire grandir des bambins heureux.
      Je suis bien consciente que chaque famille est un cas particulier, avec ses contraintes et ses impératifs et loin de moi l'idée d'imposer une pensée catégorique et unilatérale.
      Pour ma part je n'ai découvert l'école qu'à 7 ans et j'ai bénéficié d'un enseignement à la maison qui m'a permis d'apprendre sans m'en rendre compte, grâce à une maman - non enseignante - mais au foyer.
      Peut-être est-ce parce que j'ai connu le système "de l'intérieur", je l'idéalise moins qu'avant et suit heureuse d'avoir trouvé une alternative pour le moment satisfaisante. Quant au statut d'enseignante, je ne suis pas persuadée qu'il m'aidera dans ce projet. Nous sommes des spécialistes d'une discipline définie beaucoup plus que des experts de l'éducation. Le livre d'André Stern est très édifiant sur ce point qui raconte une enfance heureuse dans une famille de non enseignants et pas particulièrement favorisée... Car la connaissance se trouve partout dès lors qu'on la cherche!
      Quoi qu'il en soit, je ne manquerai pas de vous faire partager notre expérience, avec modestie et humilité, d'école à la maison!

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    6. Comme tu l'écris, avoir connu le système de l'intérieur change tout. C'est peut-être ça qu'il faut répondre à tous ceux qui te (se) posent des questions, justement ? Que tu as vécu ça enfant, que tu trouves que ça a été une chance pour toi et que tu veux en faire bénéficier tes propres enfants ? Et comme tu as fait des études ensuite, ça leur démonte d'avance tout argumentaire sur la difficulté à s'insérer, non ?
      Et je suis entièrement d'accord avec toi sur le fait que la connaissance se trouve partout (ou pas, d'ailleurs) : c'est plus une question d'état d'esprit, de curiosité que d'études... et transmettre ça à nos enfants est sans doute le plus important. ;)

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