mardi 19 février 2013

Quand les jouets tiennent trop de place...

Ce matin, Brin d'Osier traîne dans le salon, son doudou serré sous son bras. Je le vois s'asseoir dans un fauteuil et se mettre à sucer frénétiquement son pouce, l’œil dans le vague...
"Tu t'ennuies, mon garçon?" 
Il dit non d'un signe de tête et m'adresse un sourire entendu, fier par avance de sa répartie :
"Je réfléchis..."
C'est vrai que c'est jour de ménage aujourd'hui et que je me suis appliquée à ranger tout ce qui trainait. En plus on a fêté son anniversaire ce week-end. Le jeune homme a donc reçu moult présents qu'il a fallu classer et ordonner dans des boîtes dédiées à cet usage parce que moi, quand les animaux de la jungle playmobil se mélangent aux tractopelles lego du chantier ou quand les chiens Petshop se mettent à dépasser d'une tête les vaches de la ferme, ça contrarie énormément mes tendances psychorigides et je ne peux plus répondre de rien... 
Bref, je me suis dit que j'y étais peut-être allée un peu fort sur le principe du "je range donc je suis" et me suis mise à culpabiliser de priver ainsi mon jeune enfant du plaisir naïf de jouir de ses jouets en toute quiétude, sans l'intervention de Maman Rangetout.
Bêtement, telle la Benêse (Brin d'osier ne maîtrise pas encore parfaitement le féminin mais c'est ainsi qu'il nomme la femelle du Benêt...) pleine de contradictions, prête à revenir sur des mois d'acquisitions chèrement acquises et de renoncer à des préceptes hargneusement défendus, je lui propose en soupirant :
"Tu veux que je te sorte des jouets? Tu sais, c'est pas parce que j'ai tout rangé qu'on ne peut plus rien sortir!"

Alors là, bravo Griotte! Des milliers de pages lues avec avidité dans les ouvrages de Jean Piaget à Marcel Ruffo en passant par Didier Pleux et Claude Halmos et te voilà un matin de février, bras ballants et bouche ouverte, devenue la mère la plus indigne du monde, prête à semer le trouble dans l'esprit de ton enfant qui lui, s’accommode tout à fait de cette discipline et ne demande qu'à se reposer dans un espace enfin clarifié et libéré de cette surcharge matérielle qui ne fait que le stimuler à outrance...
La réponse est cinglante, pleine de pragmatisme et de bon sens et claque comme un soufflet :
"oh ben non, Mamounette, tu vois, j'me repose..."
Brin d'osier s'enfonce un peu plus dans son fauteuil et se met à regarder distraitement par la fenêtre. Je jette de temps en temps un coup d’œil dans sa direction, inquiète de le voir désœuvré et oisif. Pourtant cette nonchalance ne semble pas le déranger et d'ailleurs il s'écrie  : "viens voir, un avion, là dans le ciel!" C'est vrai que le ciel est d'un bleu comme on n'en a pas vu depuis longtemps et que l'appareil, très haut, luit comme un petit bijou rose entre quelques nuages qui s'effilochent pour le laisser passer.
"Tiens, j'peux aller voir quelque chose au garage?"
Tout à l'heure dilettante, Brin d'osier revient, chargé d'un matériel on ne peut plus hétéroclite : un carton d'emballage carré, un rouleau de sopalin vide, une vieille souris d'ordinateur mise au rebut et un chiffon à peinture. Le bonhomme a l'air sûr de lui.
"Tu vas voir, j'vais me construire un chalutier!"
Très vite, il s'assoit dans le carton, coince le rouleau vide entre ses jambes et attache tant bien que mal le chiffon à son sommet. Puis, dans un ronronnement guttural de moteur grippé, la souris qui fait office de batterie annonce le départ. Je vois mon brin d'osier traverser le salon à la force de ses bras utilisés comme des rames en déclamant des morceaux  du livre sur les bateaux qu'on lit chaque soir avant le dodo "la bataille navale fait rage! Les vaisseaux de guerre s'approchent au plus près de leurs ennemis!!!"
Je me retiens d'applaudir mais je suis épatée par sa créativité. Sans doute est-ce cet espace de liberté créé par l'absence de jouets qui lui a permis de laisser libre cours à son imagination et à sa créativité. Envahi, étouffé voire phagocyté par l'abondance de matériel, l'esprit de l'enfant ne sait plus faire des choix et ne sait plus écouter ses propres aptitudes à créer. A son désir d'amour, d'affection ou de sécurité, le parent répond à l'enfant par l'achat d'un objet qui prétend combler ce besoin mais qui ne fait que le bercer de l’illusion que cette abondance contribue au bonheur...
 Et pourtant qu'elle est bonne cette frustration qui fait naître l'imagination dans une explosion d'idées et d'inventivité!
D'ailleurs, après avoir bien joué au naufragé tout le matin, mon Brin d'Osier s'est réveillé de la sieste en me demandant : "dis, tu peux me la prêter, ton essoreuse à salade? J'ai une bonne idée pour jouer!"
J'ai accédé à sa demande sans problème et j'ai pensé en moi-même que le jour où on achètera des essoreuses à salade à nos enfants pour Noël, c'est qu'on sera parvenu à se libérer de pas mal de réflexes induits par la société dans laquelle on vit et qu'on aura bien avancé sur le chemin du bonheur!

1 commentaire:

  1. Et oui, un enfant qui semble s'ennuyer, utilise son imagination. Il est bon de ne pas toujours occuper nos enfants et de les laisser "s'ennuyer". De même, leur donner pour jouer, cartons vides, rouleaux papier toilette, ou essuie-tout, sacs à mains que nous n'utilisons plus, bidons de toutes taillesn garantie des heures de jeux!
    Les enfants sont les champions pour nous rappeler que les choses les plus simples sont souvent les meilleures, en voici un bel exemple!

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